Anorexie mentale

 
 
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RAPPELS FONDAMENTAUX

 

Bien qu'il soit très difficile de définir en quelques mots toute affection psychiatrique, on peut schématiser en disant que l'anorexie mentale est définie par un refus de s'alimenter lié à une perturbation de la perception de l'image corporelle.

 

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

 

Incidence - L'incidence annuelle est d'environ 14.6/100 000 chez la fille, 1.8/100000 chez le garçon.
Âge au moment du diagnostic - L'
anorexie
mentale atteint essentiellement la femme entre 12 et 24 ans, avec deux pics de fréquence vers 13-14 ans et 16-17 ans.
Sex-ratio
- Environ 90% des cas d'anorexie mentale s'observent chez la femme.
Facteurs ethniques - La femme de race blanche est bien plus concernée que la femme asiatique ou de race noire.
Facteurs socio-économiques - La maladie est plus fréquente dans les classes socio-économiques moyennes ou élevées. La
prévalence de l'anorexie mentale est d'ailleurs environ 10 fois plus grande chez les filles de 16 à 18 ans fréquentant une maison d'enseignement privé que chez celles de même âge qui fréquentent une maison d'enseignement public.

 

 

ÉTIOLOGIE

 

L'étiologie exacte de l'anorexie mentale est inconnue (Psychopathologie individuelle ou familiale? Mécanisme biologique lié à la sérotonine, aux catécholamines ou à des neuropeptides?), mais quelques constatations sont d'une importance indiscutable :

  • l'anorexie mentale est très rare en situation de pénurie alimentaire authentique;
  • de nombreuses études démontrent l'impact du culte de la minceur sur les jeunes filles : une recherche menée auprès de 1800 filles de 18 ans avec poids et taille normaux a révélé que 80% d'entre elles désirent perdre du poids, 23% suivent un régime, 15% présentent des épisodes boulimiques, 8.2% se font vomir de temps en temps et 2.4% prennent des « pilules amaigrissantes ».

 

 

DIAGNOSTIC

 

Le diagnostic d'anorexie mentale repose sur la triade amaigrissement-anorexie-aménorrhée, à laquelle s'ajoute un certain nombre d'attitudes psychologiques particulières.

Amaigrissement

  • Il peut être très important, jusqu'à 50% du poids normal selon l'âge. L'aspect est très évocateur : fonte des réserves graisseuses superficielles et profondes (effacement des formes féminines : seins, hanches, fesses), fonte musculaire, cheveux secs et ternes, ongles striés et cassants, hypertrichose (Développement anormal du système pileux) avec apparition du lanugo (Fin duvet qui recouvre les parties pileuses du corps chez le foetus), troubles circulatoires (tension artérielle basse, extrémités froides et moites), constipation. Le diagnostic d'anorexie mentale impose que le poids soit inférieur ou égal à 85% du poids considéré comme normal.

Anorexie

  • Elle s'installe sous le prétexte d'un régime et s'associe à tout un rituel face à l'alimentation: collection de recettes, tri des aliments en fonction de critères personnels, mâchonnement interminable, mérycisme (Retour des aliments de l’estomac dans la bouche, où ils peuvent être remastiqués), potomanie (Besoin permanent de boire une grande quantité de liquide, observé chez des sujets au psychisme souvent anormal) (ces deux derniers étant considérés comme facteurs de gravité).

Aménorrhée

  • Elle est constante (soit primaire si la fille n'avait jamais été réglée auparavant, soit secondaire dans le cas contraire). Elle coïncide habituellement avec le début de la restriction alimentaire et persiste volontiers quelques temps après rééquilibration pondérale.

Sexualité

  • Elle est complètement désinvestie, tant physiologiquement que dans sa dimension de désir (l'anorexique ne se masturbe pas). Par contre, les comportements de séduction ne sont pas rares (dimension de maîtrise), ainsi qu'une tendance au voyeurisme/exhibitionnisme.

Intellect

  • Le surinvestissement intellectuel est classique, mais les résultats sont meilleurs pour l'apprentissage que pour la créativité.

Type restrictif ou avec crises hyperphagiques?

  • L'anorexie mentale et la boulimie sont regardées par certains comme deux pathologies distinctes, alors que d'autres ne voient dans la boulimie qu'une variante de l'anorexie. Il convient donc de spécifier le type de l'anorexie :
    • type restrictif : pendant la période d'anorexie mentale, le sujet n'a pas, de manière régulière, connu d'accès hyperphagiques ni recouru au vomissement provoqué ou à l'abus de purgatifs (laxatifs, diurétiques ou lavements);
    • type avec crises hyperphagiques : durant la période d'anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, connu des accès hyperphagiques et/ou recouru au vomissement provoqué ou à l'abus de purgatifs (laxatifs, diurétiques ou lavements).

 

 

FORMES PARTICULIÈRES

 

Anorexie mentale du garçon
Elle ne représente que 10% des cas d'
anorexie mentale. Bien que son tableau clinique soit comparable à celui de la fille (la perte de toute libido et l'absence d'érection étant considérées comme l'équivalent de l'aménorrhée), deux différences notables existent : premièrement, les considérations hypocondriaques y sont plus fréquentes (préoccupations davantage centrées sur l'intérieur du corps que sur son aspect extérieur), deuxièmement, elle serait plus souvent un mode d'entrée possible dans une forme de psychose.

Anorexie prépubère
Elle apparaît alors qu'aucun signe pubertaire n'est décelable. Cette forme présente quelques caractéristiques :

  • proportion plus élevée de garçons;
  • troubles alimentaires présents dans la toute petite enfance;
  • perte de poids rapide;
  • association fréquente à un état dépressif;
  • gravité du pronostic.

 

Anorexie tardive
Elle se manifeste volontiers après le mariage ou la naissance du premier enfant. La composante dépressive y est marquée. Il semble que le plus souvent elle succède à un épisode anorexique discret pendant l'adolescence.

 

 

ÉVOLUTION ET PRONOSTIC

 

Stades de Prochaska et DiClemente - Ils reflètent l'évolution du patient face à la prise de conscience de son affection :

Stade

Signification

Précontemplation

Je n'ai pas besoin de changer, je n'ai pas de problème. C'est vous qui en avez.

Contemplation

J'ai peut-être quelque chose que je voudrais changer.

Préparation

Je regarde ce que je dois faire pour changer.

Action

Je fais le nécessaire pour changer.

Maintenance

Je suis conscient de ce que je dois faire pour éviter la rechute.

Évolution pondérale
On considère qu'environ 50% des patients retrouvent un poids normal, 20% évoluent favorablement en conservant toutefois un poids inférieur à la normale, 15 à 25% passent à la chronicité (ce qui signifie une évolution au-delà de 4 ans) et 5% risquent de voir se constituer une obésité.

Devenir de l'
aménorrhée

70% des patientes retrouvent un cycle menstruel avec possibilités normales de procréation.

Le risque léthal
Il est loin d'être négligeable : de 7 à 10% des patients décèdent, le plus souvent d'
arythmie ou de suicide (ce dernier concerne surtout les anorexiques devenus boulimiques). Mais ce pourcentage atteint 15% après 20 ans de suivi et 18% après 33 ans de suivi. Le risque de mort subite devient notable dès que la perte pondérale atteint 35% par rapport à la normale, et ce, d'autant plus qu'elle est d'installation rapide.

Évolution psychologique
Au moins 50% des anciens anorexiques gardent des difficultés psychologiques (tendances dépressives, phobies, troubles obsessionnels compulsifs, appauvrissement des champs d'intérêts et des contacts).
Facteurs de mauvais pronostic
Ce sont l'apparition de la maladie à un âge plus avancé ou les formes prépubères, la forme masculine avec mérycisme, la longue durée d'évolution, les accès boulimiques ou vomissements provoqués, la mauvaise réponse à l'hospitalisation, l'amaigrissement extrême et le syndrome dépressif.

 

 

PRINCIPES DU TRAITEMENT

 

Le traitement de l'anorexie mentale repose sur plusieurs principes, parmi lesquels la prise en compte de l'environnement familial (non seulement en évaluant son possible rôle pathogène, mais surtout dans sa fonction d'allié thérapeutique) et la mise en place d'une personne, référante, qui assurera la cohérence du projet thérapeutique.

Hospitalisation - Indispensable pour certains, elle ne s'impose que dans des cas extrêmes pour d'autres (sa durée moyenne est de 3 à 6 mois).
Quoi qu'il en soit, elle vise deux objectifs principaux :

  • réalimentation : préférentiellement par des moyens naturels si cela est encore possible (le patient ne devra pas manger seul, mais en commun avec les autres malades). En cas de gravité extrême ou de refus de la part du patient, il faut passer à une alimentation assistée (par sonde gastrique et nutripompe; l'alimentation parentérale semble être à éviter);
  • abord des troubles de la personnalité : un « contrat de poids », impliquant la participation du patient, de ses parents et des thérapeutes, précise le poids à partir duquel la sortie pourra être envisagée.

 

En ambulatoire - Plusieurs options sont possibles, les indications devant être pesées pour chaque cas particulier :

  • psychothérapie de soutien;
  • chimiothérapie : elle n'a que peu de place dans cette affection. Des anxiolytiques peuvent être indiqués en appoint et la cyproheptadine (stimulant de l'appétit) donne actuellement des résultats malheureusement contradictoires;
  • autres : conseils et suivi diététiques (mais attention de ne pas renforcer les obsessions alimentaires!), restructuration cognitive (qui vise à corriger des erreurs de certains jugements), groupes de patients, ergothérapie (musique, dessin), relaxation ou thérapie familiale.

 

EN RÉSUMÉ

 

L'anorexie mentale se caractérise par un refus de s'alimenter lié à une perturbation de la perception de l'image corporelle. Elle s'observe dans 90% des cas chez la fille, essentiellement vers 13 ou 17 ans. À la triade classique (amaigrissement-anorexie-aménorrhée) s'associe un désinvestissement de la sexualité et un surinvestissement intellectuel. Les formes particulières comportent l'anorexie du garçon (possible mode d'entrée dans une forme de psychose), l'anorexie prépubère (plus péjorative) et l'anorexie tardive (souvent après mariage ou naissance du premier enfant). Tous types confondus, le pronostic de l'anorexie mentale reste réservé (10 à 20% de mortalité, 15 à 25% de chronicité, 50% de persistance au long terme de troubles psychologiques), mais certains éléments sont reconnus comme étant de mauvais pronostic : formes prépubères ou tardives, forme masculine avec mérycisme, association à des épisodes de boulimie et de vomissements. Le traitement peut imposer l'hospitalisation (réalimentation si possible par moyens naturels, sinon par sonde gastrique et nutripompe, établissement d'un « contrat de poids »); en ambulatoire, il repose entre autres sur la psychothérapie, le suivi diététique et la thérapie familiale.

 

© 2008