RAPPELS FONDAMENTAUX
Le pancréas est une glande amphicrine (double; endocrine et exocrine) : endocrine par les îlots de Langerhans (synthèse d’insuline et de glucagon essentiellement), exocrine par le reste de la glande (synthèse de suc pancréatique). Le pourcentage de son volume imparti à la fonction endocrine n’est que d’environ 2% : le pancréas est donc volumétriquement une glande essentiellement exocrine.
On lui décrit une tête (enchâssée dans la concavité du duodénum), un corps et une queue qui se dirige vers la rate. Son canal principal s’ouvre dans la deuxième portion du duodénum, par un orifice commun avec celui des voies biliaires.
DÉFINITION
Les tumeurs malignes primitives du pancréas sont le plus souvent des tumeurs du tissu exocrine (adénocarcinome canalaire), celles du tissu endocrine étant beaucoup plus rares (insulinome). Ce chapitre n’aborde donc que le cancer du pancréas exocrine.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Sex-ratio - L’homme est plus concerné par la maladie que la femme.
Âge au moment du diagnostic - Le cancer du pancréas exocrine est rare avant 50 ans. Au-delà, sa fréquence augmente rapidement, l’âge moyen du diagnostic se situant entre 60 et 80 ans (le pic de mortalité s’observe entre 65 et 72 ans en Europe, entre 55 et 75 ans aux USA).
Facteurs ethniques - Les sujets de race noire sont plus concernés par la maladie.
Facteurs de risque - Certains sont bien documentés : tabagisme (risque relatif multiplié par 2 à 3 chez le gros fumeur par rapport au non-fumeur, bien que le mécanisme exact soit encore discuté), pancréatite chronique, diabète de longue date, antécédents familiaux de cancer du pancréas, mutations (oncogène K-ras, gène p161NK4 par exemple), antécédents de chirurgie gastrique pour ulcère.
D’autres facteurs de risque demeurent controversés : consommation excessive d’alcool et de café, régime alimentaire riche en graisses animales et pauvre en fruits et légumes, lithiase biliaire, effet de certains carcinogènes industriels (benzidine, b-naphthylamine), exposition aux radiations ionisantes.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Le cancer du pancréas est le plus souvent un canalaire (75 à 95% des cas). Il se localise préférentiellement dans la tête du pancréas (70%), puis dans le corps (20%) et enfin plus rarement dans la queue de la glande (10%).
Tumeur (T) |
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Tis |
carcinome in situ |
T1 |
tumeur limitée au pancréas, de dimension maximale de moins de 2 cm |
T2 |
tumeur limitée au pancréas, de dimension maximale de plus de 2 cm |
T3 |
tumeur étendue à au moins une de ces formations : duodénum, voies biliaires, tissu péripancréatique |
T4 |
tumeur étendue à au moins une de ces formations : rate, estomac, côlon, gros vaisseaux adjacents |
Noeuds lymphatiques (N) (T) |
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N0 |
pas de noeud lymphatique régional atteint |
N1a |
atteinte d’un noeud lymphatique régional |
N1b |
atteinte de plusieurs noeuds lymphatiques régionaux |
Métastase à distance (M)(T) |
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M0 |
pas de métastase à distance |
M1 |
métastases à distance |
DIAGNOSTIC
Il impose dans tous les cas une confirmation histologique par biopsie.
Manifestations cliniques - Elles sont tardives et peu spécifiques, ce qui explique le retard au diagnostic. Les trois symptômes les plus couramment observés sont :
- perte de poids, essentiellement due à l’anorexie;
- douleurs abdominales, souvent épigastriques et à irradiations postérieures, et calmées lorsque le sujet se penche en avant;
- ictère avec urines foncées et prurit, le plus souvent lorsque la tumeur occupe la tête du pancréas (mais également possible par l'intermédiaire de métastases hépatiques lorsqu’elles siègent sur le corps ou la queue de la glande).
Examens biologiques - La recherche des marqueurs ACE (antigène carcino-embryonnaire) et CA19-9 n’est que peu efficace dans un objectif de dépistage.
Examens d’imagerie - Ils incluent la tomodensitométrie (souvent l’examen de première intention), l’imagerie par résonance magnétique, l’échographie et parfois la cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique. Lorsque la tumeur comprime les voies biliaires, les trois premiers de ces examens doivent être pratiqués avant la pose d’une endoprothèse dans les voies biliaires, faute de quoi l’interprétation des images serait plus difficile.
PRINCIPES DU TRAITEMENT
Le taux moyen de survie à 5 ans est d'environ 3%, ce qui en fait le pire de tous les types de cancer (le taux moyen de survie à 2 ans n’est que de 5 à 10%). Le cancer du pancréas a donc une incidence comparable à son taux de mortalité.
Chirurgie - Elle constitue la seule option actuelle de traitement potentiellement curateur, bien que le taux de survie à 5 ans après exérèse totale demeure très faible (20 à 30%). De plus, moins du cinquième (1/5? 1/4?, 20%) des malades peuvent encore bénéficier de la chirurgie d’exérèse lors du diagnostic.
Le geste chirurgical classique consiste en une duodénopancréatectomie (céphalique si n’enlevant que la tête du pancréas) avec réanastomose des canaux pancréatiques, des voies biliaires et de l’estomac dans le jéjunum.
Traitements palliatifs - Un malade non opérable a une espérance de vie moyenne de 5 mois. Les traitements palliatifs reposent essentiellement sur la gemcitabine (qui permet une amélioration de l’état général dans 30% des cas) et la radiothérapie.
EN RÉSUMÉ
Le cancer du pancréas exocrine est habituellement un adénocarcinome canalaire qui siège préférentiellement dans la tête de la glande. Il atteint surtout l’homme entre 60 et 80 ans. Le tabagisme, la pancréatite chronique en sont des facteurs favorisants reconnus. Ses manifestations cliniques, tardives, consistent essentiellement en un ictère avec perte de poids et douleurs abdominales (épigastriques à irradiations postérieures, calmées en antéflexion). Les examens d’imagerie reposent sur la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique, mais la confirmation histologique est indispensable (biopsie). Le pronostic du cancer du pancréas est très sombre : environ 3% de survie à 5 ans. Son seul traitement potentiellement curateur est de nature chirurgicale (duodénopancréatectomie), mais à peine un patient sur quatre survivra 5 ans après intervention. Les traitements palliatifs peuvent faire appel à la gemcitabine ou à la radiothérapie.
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