Goutte

 
 
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RAPPELS FONDAMENTAUX

 

L'uricémie est le reflet d'un équilibre entre entrées et sorties d'acide urique, produit final de la dégradation des purines chez l'homme.

Les entrées relèvent de trois mécanismes :

·         le catabolisme des acides nucléiques alimentaires : l'adénine forme la xanthine par action de l'enzyme xanthine oxydase et la guanine forme la xanthine par action de l'enzyme guanase. La xanthine ainsi formée à partir d'adénine et de guanine forme de l'acide urique qui peut rejoindre la circulation générale;

·         la dégradation des acides nucléiques cellulaires : l'adénine et la guanine ainsi disponibles peuvent soit être réincorporées à la synthèse de nouveaux acides nucléiques, soit être transformées en acide urique au niveau hépatique;

·         la purinosynthèse « de novo » : elle a pour point de départ le ribose-5-phosphate et représente la principale source de purines.

Les sorties sont de deux natures :

·         urico-élimination rénale (environ 70%) : après filtration, réabsorption et sécrétion, ce ne sont en définitive que 8 à 12% des urates filtrés par le glomérule qui vont être éliminés dans les urines sous forme d'acide urique;

·         uricolyse intestinale (environ 30%).

 

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

 

Incidence

  • L'incidence de la goutte est assez difficile à préciser pour plusieurs raisons : le diagnostic est parfois erroné, certaines ethnies qui en étaient quasiment épargnées sont de plus en plus atteintes (cas des Polynésiens), le sex-ratio varie d'une ethnie à l'autre et enfin l'épidémiologie de la goutte n'est pas calquable sur celle de l'hyperuricémie (la prévalence de l'hyperuricémie oscille entre 2 et 13%).


Avec toutes ces réserves, l'incidence moyenne de la goutte est de 1 à 3/1000 chez l'homme et de 0.2/1000 chez la femme.
Sex-ratio

  • Il varie de 2 à 7 hommes pour 1 femme.

Âge de survenue

  • La goutte atteint l'homme au-delà de 25 ans (essentiellement entre 40 et 50 ans), alors que la femme n'est concernée qu'en période postménopausique.

 

 

ÉTIOLOGIES ET ANATOMIE PATHOLOGIQUE

 

Relation entre goutte et hyperuricémie

  • La majeure partie des personnes hyperuricémiques ne développeront jamais de crises de goutte. Cela explique qu'une hyperuricémie asymptomatique ne justifie qu'exceptionnellement un traitement préventif de la goutte.

Mécanismes de l'hyperuricémie

  • Il existe schématiquement deux mécanismes possibles : soit le patient produit de l'acide urique en excès (patients hyperproducteurs, 10% des cas de goutte primitive), soit il ne l'élimine pas assez (patients hypo-éliminateurs, 90% des cas de goutte primitive). Ces deux mécanismes ne s'excluent d'ailleurs pas obligatoirement et peuvent donc coexister chez un même patient.


Le dépistage des patients hyperproducteurs peut reposer sur les valeurs de l'uraturie :

1)       au-delà de 2 mmole/jour en cas de régime alimentaire excluant les purines,

2)       au-delà de 4 mmole/jour en cas de régime sans restriction particulière.

 

Influence de la température

  • À 37°C, le plasma est saturé en acide urique au-dessus de 70 mg/l. À 30°C cependant, la capacité de solubilisation des urates n'est plus que de 40 mg/l : des cristaux d'urate monosodique vont donc se déposer préférentiellement dans les tissus peu vascularisés (tendon d'Achille, ligaments) et les tissus distaux qui sont plus froids (pavillon de l'oreille, articulations interphalangiennes distales des doigts).

 

 

SIGNES CLINIQUES

 

Goutte aiguë

  • Sauf forme particulière, son tableau clinique est très stéréotypé, dominé par la douleur qui présente les caractéristiques suivantes :
    • elle survient classiquement sans prodrome, bien qu'on puisse toutefois en observer dans les 3 jours précédant la crise (irritabilité, insomnie, constipation, etc.);
    • elle s'installe souvent pendant la nuit;
    • elle est le plus souvent monoarticulaire lors de la première crise (90% des cas) et concerne alors l'articulation métatarsophalangienne du gros orteil dans 75% des cas (avec l'évolution, d'autres articulations pourront être touchées : genou, main, etc.);
    • elle atteint son maximum en 24 à 36 heures (sans traitement);
    • non traitée, elle dure quelques jours (5 à 7);
    • elle s'accompagne d'une fièvre modérée et de phénomènes inflammatoires locaux (orteil rouge, chaud, hyperalgique), suivis d'une phase de régression des symptômes (diminution du volume, prurit, desquamation);
    • elle ne laisse pas de séquelle.

 

Goutte chronique

  • Elle peut générer des arthropathies uratiques, des tophi et des pathologies rénales :
    • les arthropathies uratiques : l'existence de cristaux d'urate dans les articulations entraîne des destructions du cartilage articulaire, puis de l'os dans lequel apparaissent des géodes;
    • les tophi : un tophus est un dépôt d'urate de sodium dans le tissu conjonctif. Bien que parfois volumineux, ils sont indolores. On les rencontre essentiellement sur le pavillon de l'oreille, en arrière du coude, sur les articulations digitales, sur les poignets ou les genoux, ainsi que sur certains tendons (extenseurs de la main, tendon d'Achille);
    • les pathologies rénales : la lithiase urique, reliée à l'hyperuricurie et à l'acidité urinaire, s'observe sur le tiers des patients goutteux. La néphropatie goutteuse, bien que discrète, évolue vers l'insuffisance rénale chronique.

 

 

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

 

Analyse du liquide articulaire ou d'un tophus

  • Il vise à mettre en évidence la biréfringence (Propriété qu’ont certains corps transparents de dédoubler un rayon lumineux qui les traverse) des cristaux d'urate monosodique en lumière polarisée (les cristaux apparaissent jaunes quand ils sont parallèles à l'axe du filtre, bleus quand ils lui sont perpendiculaires). Cet examen n'est qu'exceptionnellement nécessaire.

Bilan sanguin

  • Il confirme l'hyperuricémie (au-delà de 70 mg/l chez l'homme, 60 mg/l chez la femme) et le processus inflammatoire (vitesse de sédimentation élevée, hyperleucocytose). L'uricémie peut toutefois être normale en cours de crise.

Examens d'imagerie

  • La radiologie montre un gonflement des tissus mous, ainsi qu'un espace articulaire normal (au moins en début d'évolution) sans ostéoporose juxta-articulaire. Au long terme apparaissent des images géodiques et un pincement de l'interligne articulaire.

 

 

PRINCIPES DU TRAITEMENT

 

Traitement curatif

  • Il doit être institué le plus tôt possible après le début de la crise. Il associe des mesures générales (mise au repos du membre atteint pour 1 ou 2 jours, utilisation de glace localement à visée anti-inflammatoire, boissons abondantes et régime alimentaire léger) à un traitement médicamenteux. Ce dernier peut faire appel :
    • à la colchicine per os : c'est le traitement de choix, hors contre-indication, et il doit être initié au plus tard 48 heures après le début des symptômes. Les douleurs diminuent rapidement, mais les effets secondaires sont très fréquents (douleurs abdominales, nausées ou diarrhée jusqu'à 80% des cas). Par ailleurs, la colchicine passe la barrière foetoplacentaire et a été mise en évidence dans le lait maternel. Elle agit sur le phénomène inflammatoire, mais n'a aucune action sur l'uricémie ni sur l'uricurie;
    • aux anti-inflammatoires non stéroïdiens per os (indométacine, diclofénac) : ils diminuent la douleur parfois très rapidement (en 2 heures), mais présentent un risque d'hyperkaliémie en cas de maladie rénale associée;
    • aux glucocorticoïdes intra-articulaires : ils sont proposés par certains, contre-indiqués par d'autres.

Traitement des tophus

  • Leur possible réabsorption impose une baisse franche de l'uricémie (inférieure à 5 micromole/l). Lorsque volumineux, ils relèvent de la chirurgie.

Traitement préventif

  • Il repose sur des mesures diététiques et la prescription de médicaments. Un régime pauvre en purine, sans adjonction de médicament, est toujours recommandé bien qu'il ne semble pouvoir réduire l'uricémie que de 1%.


Le traitement médicamenteux ne doit être entrepris que 2 à 3 semaines après l'accès aigu et il doit impérativement être accompagné de colchicine ou d'AINS pendant les 3 premiers mois.
Deux familles de médicaments peuvent être utilisées :

  • les uricosuriques (probénécide, sulfinpyrazone, benzbromarone) : ils augmentent l'élimination rénale des urates en bloquant leur réabsorption tubulaire proximale. Ils sont donc indiqués chez les hypo-éliminateurs (90% des gouttes primitives). Ils doivent être associés à des boissons abondantes et une diurèse alcaline, car ils s'accompagnent d'un risque de précipitation d'acide urique dans les voies urinaires excrétrices (5 à 10% de coliques néphrétiques);
  • les inhibiteurs de la xanthine oxydase (allopurinol) : ils inhibent la synthèse d'acide urique et sont donc surtout indiqués chez les hyperproducteurs (10% des gouttes primitives).

Faut-il traiter l'hyperuricémie asymptomatique?

  • Non, sauf cas très particuliers (cas des transplantés sous cyclosporine, qui est un immunosuppresseur néphrotoxique).

 

 

EN RÉSUMÉ

 

La goutte atteint préférentiellement l'homme hyperuricémique au-delà de 40 ans. Classiquement, la première crise de goutte aiguë est monoarticulaire (première articulation métatarsophalangienne dans 75% des cas) et survient de nuit : la douleur est intense, avec rougeur, chaleur et gonflement de l'articulation, puis disparition sans séquelle en maximum une semaine (en l'absence de traitement). La goutte chronique peut entraîner l'apparition d'arthropathies uratiques (avec géodes sur les radiographies), de tophus (indolores, essentiellement localisés sur le pavillon de l'oreille, au niveau des doigts, en arrière du coude et sur le tendon d'Achille) et de pathologies rénales (lithiase urique; néphropathie goutteuse avec risque d'évolution vers l'insuffisance rénale chronique). Les examens complémentaires comportent le bilan sanguin (mais l'uricémie peut être normale au cours d'une crise de goutte) et les radiographies (aucune lésion osseuse ou articulaire en début de maladie). La recherche directe des cristaux d'urate monosodique dans le liquide articulaire est d'indication exceptionnelle. Le traitement de la crise associe des mesures générales (repos, glace locale, boissons abondantes, régime alimentaire léger) à un traitement médicamenteux (colchicine, très efficace mais beaucoup d'effets secondaires comme la diarrhée, anti-inflammatoires non stéroïdiens, mais attention en cas de maladie rénale associée). Le traitement préventif repose sur des mesures diététiques (élimination des aliments riches en purine) et des médicaments hypo-uricémiants : soit les uricosuriques comme le probénécide ou la sulfinpyrazone (plutôt indiqués chez les patients hypo-éliminateurs), soit les inhibiteurs de la xanthine oxydase comme l'allopurinol (plutôt indiqué chez les patients hyperproducteurs). Sauf cas particuliers (patients transplantés sous cyclosporine), l'hyperuricémie asymptomatique n'a pas à être traitée.

© 2008